Les visiteurs en Israël ces jours-ci sont sans doute surpris de voir de nombreux feux de camp allumés à travers le pays. Car nous sommes à la période de Lag BaOmer ! Cette courte introduction vous permettra de comprendre de quoi il s'agit, avec les événements et les emplacements qui s'y rattachent.
Tout d'abord. Lag BaOmer correspond au 33ème jour ("lag" est un acronyme des lettres hébraïques ל"ג qui correspondent au nombre 33) du décompte de l'Ômer, un commandement divin exigé des Hébreux le lendemain de leur sortie d'Egypte: il leur a été requis de compter les jours entre le moment où ils sont passés du statut d'esclaves au statut de peuple au service de Dieu, c'est-à-dire avec un «livre de lois» qui est la Torah, pour régir leur vie individuelle et celle en société, et bien d'autres choses. Ce commandement spécifique est inscrit dans le livre du Lévitique 23: 15-16

Il y a 49 jours dans l'Ômer (parce que c'est une période de 7 semaines, tel que détaillé dans le texte biblique ci-dessus), donc 49 jours se sont écoulés depuis le jour de l'Exode jusqu'au jour du Don de la Torah au Mont Sinaï (un événement appelé Matan Torah en Hébreu). Ce décompte est semblable à n'importe quel "compte à rebours" pour un événement important planifié. Sauf que, concernant l'Ômer, nous comptons en ordre croissant donc le 1er jour, le 2ème jour, ... le 33ème jour, ... et enfin le 49ème jour. Et à la fin de l'Ômer, le 50ème jour est celui de la fête de Chavouot, l'une des trois principales fêtes juives de l'année (avec Pessah et Souccot). Le 33ème jour au sein de cette période de 7 semaines correspond également au 5ème jour de la 5ème semaine de l'Ômer: les nombres 5 et 7 ont par ailleurs une importance spirituelle dans la Kabbale. Et, parce que l'Ômer commence et finit à un jour fixe du calendrier hébraïque, Lag BaOmer tombe également sur un jour fixe de ce calendrier, à savoir le 18ème jour du mois d'Iyyar.
Malheureusement, pendant les persécutions romaines du 2ème siècle de notre ère, cette période de l'Ômer est devenue une période de deuil parce que, selon le Talmud dans le traité Yebamot 62b, tous les disciples de Rabbi Akiva sont morts d'une épidémie pendant cette période, sauf une poignée d'entre eux. Ainsi, la Terre d'Israël est devenue affligée par un manque d'enseignement de la Torah jusqu'à ce que Rabbi Akiva ait inspiré ces derniers étudiants rescapés, avant d'être lui-même exécuté par les Romains après la révolte de Bar-Kochba vers les années 130-133, durement réprimée par l'empereur Hadrien. Ce sont ces derniers disciples qui ont alors relancé la foi qui déclinait au sein de la nation juive. L'un de ces étudiants était Shimon Bar Yohai (surnommé le Rashbi) qui fut lui aussi condamné à mort par les Romains : il se cacha dans une grotte à Péki'in avec son fils Elazar pendant plusieurs années. Mais après la mort de l'empereur Hadrien, ses décrets anti-judaïques ont été annulés. Pour en savoir plus, cliquez ici (page en anglais).

Pour en revenir à Lag BaOmer, pourquoi le 33ème jour est-il un jour différent parmi ce décompte de 49 jours ? Car c'est le jour où Shimon Bar Yohai est mort. Alors ne devons-nous pas être tristes plutôt que joyeux ? En fait, lorsqu'il est mort, il a demandé que le jour de sa mort devienne un jour de joie. Car il avait aussi transmis à ses disciples les secrets de la Torah, et de là une nouvelle tradition orale mystique a commencé. Ce dernier enseignement s'est répandu pendant des générations et a ensuite été transcrit dans un livre appelé le Zohar. Ce livre constitue la base de la Kabbale (la Mystique Juive) établie par Isaac Luria (surnommé le Ari) à Safed dans la Terre d'Israël au 16ème siècle. Ainsi, à la mort de Shimon Bar Yohai, l'étincelle du judaïsme a de nouveau brillé, et brille encore, alors qu'elle avait été sur le point d'être effacée de l'humanité à l'époque des Romains. Sa mort est donc marquée par un jour de joie plutôt que de deuil. Pour en savoir plus sur la mort du bar Yohai, cliquez ici (page en anglais).
Les célébrations sont nombreuses, en particulier pour les religieux. Avant tout, nombre d'entre eux font un pèlerinage à la tombe de Bar Yohai à Meiron, Haute Galilée : cela s'appelle une hiloula, pour commémorer l'anniversaire de la personne décédée.

Il est de tradition de faire de cette journée de Lag BaOmer un jour de joie, de sorte que les fêtes publiques en plein air et les feux de camp sont à l'ordre du jour partout en Israël. Car ils symbolisent la lumière que bar Yochai a apportée à la connaissance de la Torah. Avec ses feux de joie, Lag BaOmer rassemble les enfants dans un moment de joie. Et les familles suivent. En bref, Lag BaOmer a le pouvoir de rassembler toute la nation en plein air. C'est un moment "d'unité" et on peut dire que toute la Terre d'Israël devient la "synagogue" qui signifie "assemblée" en grec, à l'instar des mots Beit Knesset qui signifie synagogue en hébreu (ou la Knesset qui est l'assemblée nationale en Israël) ou Ecclesia en latin qui signifie aussi assemblée (église en français).
En outre, les familles religieuses coupent les cheveux de leurs fils de trois ans révolus précisément ce jour-là (cela explique pourquoi les tout jeunes enfants ont des cheveux longs, jusqu'à ce qu'ils obtiennent leur première coupe ce jour-là). Lag BaOmer marque également la saison de commencement des mariages car aucune célébration n'est faite entre Pesach et Lag BaOmer (période de tristesse et de recueillement).
Avec les temps modernes depuis la création de l'Etat d'Israël, Lag BaOmer a également pris un nouveau visage. Le jour célèbre non seulement le renouveau de la "foi juive" mais célèbre également le renouveau de la "nation juive". Ainsi, quelques organisations ont symboliquement été créées ce jour-là, précisément: notamment le Palmach en 1941 et les Forces de défense israéliennes (l'IDF ou Tzahal) en 1948. Rappelez-vous que l'Etat d'Israël a également été déclaré le 6ème jour du même mois d'Iyyar 1948, soit 12 jours avant la création de l'IDF (notez que 12 = 7 + 5).
Alors, quel est le meilleur moyen pour vous, en tant que touriste, de vous plonger dans l'esprit festif de Lag BaOmer? Faites-vous inviter par un ami israélien à un de ces pique-niques ou barbecue autour d'un feu de camp ! Vous devriez normalement vous joindre à un tel groupe quelques heures avant le coucher du soleil, afin que vous puissiez profiter de ce coucher de soleil et que le feu de joie puisse alors illuminer le début de la nuit. Si vous souhaitez organiser un circuit particulier relatif à Lag BaOmer, ce n'est pas une bonne idée de vous rendre à Safed ouà Meiron en raison de milliers de personnes qui vont s'y rendre ce même jour. Il faut aussi éviter les routes de circulation en direction de Meiron, bien entendu. Mais tous les jours avant et après devraient être envisageables pour votre visite. Et n'oubliez pas de vous rendre aussi à la grotte de Peki'in : ces sites sont situés en Haute-Galilée, pas loin les uns des autres. Profitez bien du feu de camp, de la fête, des boissons et de la nourriture. Albert Benhamou Guide touristique certifié, Israël Mai 2017, Iyyar 5777 Mise à jour, Mai 2023
