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Albert Tours Blog-  A Licensed Tour Guide - Israel

Le mois hébreu d'Adar et les cycles du temps

Le calendrier hébraïque est une combinaison d'observations solaires et lunaires, ce qui permet de fixer les dates de fêtes religieuses comme indiqué dans la Bible :


Et Dieu dit : « Qu'il y ait des luminaires dans l'étendue des cieux pour séparer le jour de la nuit ; et qu'ils soient des signes, pour des saisons, des jours et des années. » (Genèse 1:14)


Ainsi, dans un sens, le calendrier hébraïque suit la directive de la Bible d'utiliser les deux luminaires comme signes pour le cycle du temps. En comparaison, le calendrier séculier, qui suit le calendrier chrétien, est uniquement basé sur une année solaire d'environ 365,25 jours. Et le calendrier musulman est uniquement basé sur le mois lunaire d’environ 29,5 jours. L’utilisation d’un seul luminaire (le soleil ou la lune) entraîne forcément des problèmes. D’une part, le calendrier solaire est correct pour les saisons, mais il est incorrect pour les jours et les mois. Quant au calendrier lunaire, il est correct avec les jours et les mois, mais les fêtes annuelles tombent toujours à différents moments de l'année /des saisons solaires.


Le calendrier hébraïque est plus complexe car il compte les jours et les mois en fonction du mois lunaire (environ 29,53 jours), donc chaque mois hébraïque compte 29 ou 30 jours selon l'observation de la lune. Et il compte les années sur la base des années solaires (environ 365,25 jours) et recommence ce décompte avec le retour du printemps. Cela signifie que, certaines années, le calendrier doit ajouter un mois entier supplémentaire, afin que l'ajustement au printemps coïncide avec la saison réelle (en Terre d'Israël). Ce 13ème mois supplémentaire s'ajoute au dernier mois, étant le mois hébraïque d'Adar, et est simplement appelé « Deuxième Adar ». Il tombe généralement en février/mars dans le calendrier séculier. À Athènes, dans la Grèce antique, ils utilisaient également un calendrier luni-solaire et ajoutaient occasionnellement un 13ème mois pour aligner leur calendrier sur les saisons réelles.


Il convient de noter que le calendrier hébraïque est également basé sur un cycle de 19 ans : toutes les planètes reviennent à la position qu'elles avaient 19 ans plus tôt. Ce cycle était connu dans l'Antiquité sous le nom de cycle métonique (car l'Histoire attribuait sa découverte au grec Méton au 5ème siècle avant notre ère). Ce cycle comporte exactement 235 mois lunaires, soit 235 x 29,53 jours = 6939,55 jours ce qui équivaut à environ 19 années solaires : en effet 19 x 365,25 = 6939,75 jours. En fait, le cycle métonique compte 6939, 6940 ou 6941 jours. Les années où un deuxième mois d'Adar est ajouté dans le calendrier hébraïque sont les suivantes sur le cycle de 19 ans : années 0, 3, 6, 8, 11, 14, 17. Par exemple, l'année hébraïque 5784, qui correspond à la période laïque 2023-2024, est la 8ème année du cycle actuel de 19 ans, donc un deuxième mois d'Adar est ajouté en 5784/2024.

Cycles solaire et lunaire

Le cycle métonique signifie que, si le premier d'un mois lunaire tombe, disons, le cinquième jour d'une semaine d'une année donnée, le premier du même mois lunaire tombera également un cinquième jour de semaine dans l'année qui serait 235 mois lunaires plus tard (soit 19 ans plus tard). Ainsi, par exemple, comme la Bible déclare qu'Adam et Ève ont été créés un vendredi (c'était le 6ème jour de la Création, juste avant que Dieu n'établisse le Shabbat le 7ème jour), cela signifie que chaque série de 235 mois lunaires (ou 19 ans), à partir de ce jour précis, tombe également un vendredi.


Historiquement, les Juifs des époques du Temple avaient désigné des villes/stations où un personnel spécial surveillait le signal lancé depuis le Temple pour indiquer le début d'une Nouvelle Lune, et donc le début d'un nouveau mois lunaire. Ils allumaient ensuite un signal pour annoncer l'événement à la station suivante, et cela se répétait de station en station à travers la Terre d'Israël. Cependant, en raison des persécutions et des exils, il n'était plus possible de s'appuyer sur l'observation visuelle depuis Jérusalem et donc, vers l'an 359 de notre ère, et en raison des premières persécutions et restrictions contre les Juifs au début de l'ère byzantine, le chef du Sanhédrin, Hillel II, décida d'établir un calendrier hébraïque basé sur des calculs astronomiques, et non plus sur des observations. Cela s'est produit à une époque de grandes tensions entre juifs et chrétiens sur la question de la date de Pâques, qui fixait le moment de la crucifixion de Jésus. La question s'est posée au Concile de Nicée (325 CE). Parce que Jésus avait été crucifié un vendredi, avant la fête de la Pâque juive (Pessah), ce jour serait nécessairement le 13 ou le 14 du mois hébraïque de Nisan. Et la crucifixion tombant un vendredi, le dimanche qui suit devenait le jour de la résurrection (car les Évangiles mentionnent que Jésus ressuscita « le 3ème jour »). Cependant, dans le calendrier hébraïque, le 13 ou le 14 Nisan ne tombe pas toujours un vendredi : cela dépend de l'écart avec l'année solaire. Mais comme les chrétiens voulaient que les commémorations de Pâques tombent toujours un vendredi/dimanche dans leur calendrier (solaire), cela ne correspondait pas à la fête hébraïque de Pessah qui était le moment de la crucifixion de Jésus. D'où la dispute de calendrier.


Il existe de nombreux livres et sites Internet expliquant le calendrier hébraïque en plus amples détails. Les lecteurs qui le souhaitent peuvent les consulter pour approfondir leur connaissance du sujet. Ici je me limiterai à parler du dernier mois du calendrier hébraïque, un mois appelé Adar ou le « 12ème mois ». Il convient de noter que le dernier mois ne signifie pas que le mois suivant commence une nouvelle année. En effet, dans le calendrier chrétien/laïc, il existe une connexion entre les mois et les années (ou la nouvelle année), mais il n'y a pas de connexion de ce type dans le calendrier hébraïque, car les années sont comptées indépendamment des mois, et la correspondance est effectuée au travers du cycle de 19 ans avec des années spéciales où un deuxième mois d'Adar est ajouté, comme expliqué ci-dessus. En fait, le « Nouvel An » juif (appelé Roch Hachana) tombe au début du 7ème mois hébraïque appelé Tichri. Autrement dit : le calendrier hébraïque comporte plusieurs (en fait quatre) "nouvelles années" selon que l'on regarde les saisons, le cycle des mois, l'agriculture, etc.


Le mois hébraïque d’Adar est lié à de nombreux événements de l’histoire juive. C'est surtout le mois de la fête de Pourim, liée au livre d'Esther dans la Bible. Pour en comprendre le contexte historico-biblique, cliquez ici pour consulter mon article sur le magazine Yedia.

La reine Esther (Edwin Long, 1879)

À cette époque, un ministre maléfique appelé Aman (ou Haman) voulait éradiquer tous les Juifs de l’empire perse. Il consulta les astrologues pour déterminer quel mois serait le meilleur pour exécuter ses plans avec succès et ils lui dirent que c'était le mois d'Adar. Mais ses plans ont échoué et, au lieu de devenir un mois de chagrin, Adar est devenu un mois de joie. Depuis cette époque, la fête de Pourim a été ajoutée à l’année juive des fêtes et célébrations. Il y a d'ailleurs un dicton juif : « quand Adar arrive, la joie augmente ». En termes d'étymologie, le mot Pourim signifie « sort », car Aman voulait utiliser le sort pour décider en quel mois il pourrait exterminer les Juifs. Mais finalement, le sort s'est retourné contre lui.


La fête de Pourim est célébrée les 14 et 15 Adar qui, comme c'est le milieu d'un mois lunaire, tombe toujours lors d'une Pleine Lune (alors que le début d'un mois lunaire est toujours une Nouvelle Lune). Adar est célébré le 14 dans n'importe quelle ville normale, mais il est également célébré le lendemain, le 15, dans les « villes fortifiées », c'est-à-dire entourées de murailles (aujourd'hui, uniquement à Jérusalem). Les Juifs du monde entier sont censés faire quatre choses le jour de la fête : lire le livre d'Esther, avoir l'esprit de fête, se réjouir et offrir des cadeaux aux autres, en particulier aux pauvres et aux nécessiteux. La fête de Pourim est si importante que, selon les Sages juifs, lorsque le Messie viendra, toutes les fêtes religieuses cesseront sauf... Pourim. (source : Yalkout Mishlei 944).


Le mois d’Adar a également été témoin d’autres événements dans la Bible et dans l’histoire juive.


3 Adar : la construction du Second Temple était achevée (Esdras 6 : 15)


7 Adar : date de naissance et de décès de Moïse, qui vécut 120 ans ; il est intéressant de noter que le 7 Adar ne tombe jamais un jour de Shabbat.


12 Adar : Dieu s'est vengé de « Turyanus » (probablement un surnom dérivé de tyrannus qui signifie « despote » en latin ; le mot vient du grec τυ ́ραννος qui signifie maître absolu) ; c'était un officier romain qui voulait tuer les Juifs de Lod/Lydda


13 Adar : le jeûne d'Esther car elle-même avait jeûné avant son dîner en présence de son mari, le roi de Perse, et de son ministre Aman. L'histoire est relatée au chapitre 9 du livre d'Esther. Ce roi perse, appelé Assuérus dans la Bible, était Xerxès qui revenait tout juste de sa malheureuse campagne contre la Grèce et de ses deux défaites, une sur terre aux Thermopyles et une en mer à Salamine. Cela situe le dîner d'Esther et d'Aman et le début de la fête de Pourim en 475 avant notre ère.

Le dîner entre Esther, Assuérus et Aman (Rembrandt, 1660)

Mais le 13 Adar est aussi le Jour de Nicanor, du nom d'un général séleucide qui opprima les Judéens lors de la révolte des Maccabées. Ce Nicanor est mort lors de la bataille d'Adasa en 161 avant notre ère contre Juda Maccabée le 13 Adar. Voici ce qui lui est arrivé lors de la bataille :


Ensuite, ils prirent le butin et la proie, et arrachèrent la tête et la main droite de Nicanor, qu'il avait si fièrement tendue ; ils les emmenèrent et les pendirent vers Jérusalem. C’est pour cette raison que le peuple se réjouit grandement et célébra ce jour comme un jour de grande joie. De plus, ils ordonnèrent d'observer chaque année ce jour, qui était le treizième jour d'Adar. Ainsi, le pays de Juda fut en repos pendant un petit moment. (Deuxième Livre des Macchabées, 8 : 47-50)

Juda Maccabée mène son armée à la victoire (Gustave Doré, 1866)

Pourim tombe le dernier mois du calendrier hébraïque et est également la dernière fête du calendrier hébraïque. Comme mentionné ci-dessus, cette fête sera également la dernière à perdurer après que toutes les autres fêtes auront cessé à l'époque messianique. En tant que telle, Pourim est souvent considérée comme la synthèse de toutes les fêtes réunies, ce qui ajoute à son importance. C'est parce que Pourim contient tous les symboles des autres fêtes. En effet, il s’agit de la rédemption contre une extermination certaine (comme la Pâque juive l’est avec l’Exode et la rédemption de l’esclavage). Il s’agit également d’un jugement divin avec la vie ou la mort (comme Roch Hachana, le Nouvel An juif, où chacun est jugé). C'est aussi un jour de jeûne (comme Yom Kippour). C'est aussi un jour de joie et de partage de nourriture (comme Souccot). Étrangement ou pas, le Livre d’Esther est le seul livre de la Bible où il n’est fait aucune mention de Dieu, bien que les desseins divins puissent y être perçus partout. Cela ajoute à l’importance de la fête de Pourim car, à cette époque, les Juifs apportaient le salut sur eux-mêmes, par leur propre mérite et sans la direction ou l’ordre d’un prophète.


Le mot Pourim s'écrit פורים en hébreu : sa valeur numérique est 80+6+200+10+40= 336. Et 336 = 4*12*7, où 4 est le nombre de saisons, 12 le nombre de mois et 7 le nombre de jours de la semaine. Ainsi, nous pouvons voir que Pourim est aussi la synthèse de tout calendrier qui est basé sur les saisons/années, les mois, les jours/semaines. De plus, 336 est également égal à 2*24*7, ce qui fait allusion à 7 jours dans une semaine, 24 heures dans une journée et 2 étant la journée et la nuit chaque jour. Ainsi, ici aussi, Pourim implique le comptage humain du temps.


De nombreux commentateurs ont mis en lumière un parallèle entre Pourim et la Shoah. Par exemple, le texte biblique mentionne la pendaison des 10 fils d’Aman qui ont conspiré avec lui. Et, après le procès de Nuremberg en 1946, 10 ministres et hauts dignitaires du régime nazi furent condamnés à mort. Leur exécution a également eu lieu par pendaison.


Ce parallèle avec la Shoah a aussi été établi par le célèbre propagandiste nazi Julius Streicher. Car, le 10 novembre 1938, au lendemain de la Nuit de Cristal, il déclarait que, tout comme « les Juifs massacrèrent 75 000 Perses en une nuit, le même sort aurait été réservé au peuple allemand si les Juifs avaient réussi à inciter à une guerre contre l'Allemagne ; les Juifs aurait alors institué une nouvelle fête de Pourim en Allemagne ». Ce même Streicher fut condamné à mort au procès de Nuremberg et exécuté en octobre 1946. En montant à l'échafaud, il cria PourimFest 1946 (ce qui signifie : Fête de Pourim 1946). De la Nuit de Cristal à sa mort, la fête de Pourim avait dû être son obsession.


Julius Streicher en 1945

Aujourd'hui, Pourim est une fête très joyeuse en Israël. Beaucoup de gens s’habillent avec des costumes fantaisistes. Des concours sont organisés pour déterminer la meilleure tenue vestimentaire et des carnavals sont organisés dans de nombreuses villes. Il est fréquent de monter à bord d'un bus ou d'un tramway où la moitié des passagers sont déguisés, et le chauffeur aussi ! C'est vraiment un régal pour les yeux.


Déguisements pour Pourim (source: Israel21c)

En 2021, les fêtes publiques avaient été très restreintes, voire annulées, en raison de la crise du Covid. Mais la joie de Pourim ne disparaît jamais.


Albert Benhamou

Guide touristique francophone en Israël

Février 2024


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