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La visite de Théodore Herzl en Terre d'Israël, 1898

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Au 19ème siècle, les Juifs ont commencé à bénéficier des tendances de l'émancipation dans les pays chrétiens, avec des droits civiques dont ils n'avaient jamais joui auparavant. Mais les Juifs des pays musulmans ont continué à vivre sous les lois de ‘dhimmi’ et n'ont jamais eu la garantie d'équité. En 1840, un cas a mis en lumière leur sort auprès du monde occidental : l'affaire de Damas (pour plus d'informations, cliquez ici sur mon autre site Web). Des voix s'élèvent dans les cercles juifs et chrétiens pour condamner l'injustice faite aux juifs en Orient. Et les Juifs des pays émancipés ont entrepris la mission d’aider leurs coreligionnaires. Cette mission a notamment conduit quelques années plus tard à la création de l'Alliance Israélite Universelle pour aider à éduquer les Juifs dans les pays musulmans.
 
Mais, certains Chrétiens en Angleterre ont commencé à exprimer un nouveau paradigme : les Juifs devaient retourner dans leur terre ancestrale selon les prophéties, mais ce retour accélérerait la seconde venue de Jésus. Cette croyance était principalement basée sur le Nouveau Testament où Paul explique la doctrine sur les Juifs dans Romains 11 : Je demande alors : Dieu a-t-il rejeté son peuple? Loin de là! Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d'Abraham, de la tribu de Benjamin. Dieu n'a point rejeté son peuple, qu'il a connu d'avance. [...] Encore une fois, je demande : Est-ce pour tomber qu'ils ont bronché? Loin de là! Mais, par leur chute, le salut est devenu accessible aux païens, pour rendre Israël jaloux. Or, si leur chute a été la richesse du monde, et leur amoindrissement la richesse des païens, combien plus en sera-t-il ainsi quand ils se convertiront tous. [...] Car je ne veux pas, frères, que vous ignoriez ce mystère, afin que vous ne vous regardiez point comme sages, c'est qu'une partie d'Israël est tombée dans l'endurcissement, jusqu'à ce que la totalité des païens soit entrée. Et ainsi tout Israël sera sauvé [...] En ce qui concerne l'Évangile, ils sont ennemis à cause de vous; mais en ce qui concerne l'élection, ils sont aimés à cause de leurs pères. Car Dieu ne se repent pas de ses dons et de son appel. De même que vous avez autrefois désobéi à Dieu et que, par leur désobéissance, vous avez maintenant obtenu miséricorde, de même ils ont maintenant désobéi, afin que, par la miséricorde qui vous a été faite, ils obtiennent aussi miséricorde. Car Dieu a renfermé tous les hommes dans la désobéissance, pour faire miséricorde à tous.

Fait intéressant, cette nouvelle approche a surtout pris son envol en Angleterre où les Juifs n’avaient pas encore été émancipés, contrairement à la plupart des pays européens, et ce jusqu'en 1858 ! À ce propos, Lord Shaftesbury écrivit en septembre 1838 dans son journal : L'ancienne cité du peuple de Dieu [les Juifs] est sur le point de reprendre une place parmi les nations, et l'Angleterre est le premier des royaumes des Gentils qui cesse de "la piétiner".

En janvier 1839, un mémorandum, dont l'auteur semble avoir été Henry Innes, secrétaire de l'Amirauté, est adressé à toutes les "Puissances Protestantes du Nord de l'Europe et de l'Amérique" au sujet de "la Restauration des Juifs". On prétendait que le pouvoir politique était nécessaire, comme Cyrus le Grand l'a fait autrefois, pour réaliser la prophétie des Écritures et restaurer les Juifs dans leur patrie. Ce document important a été publié dans le Times et d'autres journaux, et avait été cité à maintes reprises par des dizaines d'ecclésiastiques de confession protestante, et signalait la nécessité de l'action politique pour atteindre le but ultime. 

En 1840, Orson Hyde, un missionnaire qui fit plus tard du prosélytisme à Jérusalem, écrivit : C'est par le pouvoir et l'influence politiques que la nation juive fut détruite et ses sujets dispersés à l'étranger ; et je hasarderai ici l'opinion que par le pouvoir et l'influence politiques, ils seront rassemblés et édifiés ; et de plus que l'Angleterre est destinée, dans la sagesse et l'économie du Ciel, à tendre le bras du pouvoir politique et à s'avancer aux premiers rangs de cette glorieuse entreprise. Le Seigneur a une fois suscité un Cyrus pour restaurer les Juifs, mais ce n'était pas la preuve qu'Il possédait la religion des Perses. [...] Il y a une inquiétude croissante en Europe pour la restauration de ce peuple [les Juifs]; et cette inquiétude n'est confinée au sein de quelque communauté religieuse, mais elle a trouvé son chemin jusqu'aux cours des rois.

Mais, à cette époque, la Terre d'Israël était sous la domination de l'Empire ottoman qui était allié aux puissances européennes. Peu ne pouvait être fait concrètement. Et donc, le sort des Juifs en terres d’Orient continuait tel quel.

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Étonnamment, en France, la nation qui avait été la première en Europe à accorder l'émancipation à ses Juifs, les choses ont mal tourné pour eux lorsque l'affaire Dreyfus débuta. C'était un Juif assimilé qui était officier dans l'armée française mais, parce qu'il était juif et originaire de la partie germanophone de la France, il avait été piégé par certains hauts gradés de l'armée et accusé de trahison. Lors de sa dégradation des titres militaires, le 5 janvier 1895 à Paris, un journaliste étranger de Vienne, également juif assimilé, était présent : Théodore Herzl. De cet événement, il réalisa que l'émancipation et l'assimilation n'aideraient pas les Juifs à être acceptés parmi les autres nations et que la seule solution pour eux serait d'avoir leur propre patrie où ils pourraient enfin trouver la liberté.

Après quelques mois plus tard, en février 1896, Herzl publia son célèbre livre : Der Judenstaat (L'État juif). Il concluait comme suit : Permettez-moi de répéter une fois de plus mes paroles d'ouverture : Les Juifs qui souhaitent un État finiront par l'avoir. Nous vivrons enfin en hommes libres sur notre propre terre et mourrons paisiblement dans nos propres maisons. Le monde sera libéré par notre liberté, enrichi par notre richesse, grandi par notre grandeur.

Et ainsi, un Juif issu d'un milieu assimilé, qui n'avait aucune conviction religieuse, ni bonne opinion sur le judaïsme a priori, se lança dans une mission personnelle qui remplira le reste de sa vie jusqu'à sa mort prématurée en 1904 à l'âge de 44 ans, pour créer l'élan qui conduira à un "État juif". 
 

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Le Kaiser

À Vienne, Herzl fit la connaissance du révérend William Hechler (1845-1931) peu après la publication de son livre. Hechler était un pasteur qui avait auparavant effectué une mission à travers l'Europe en 1882 pour évaluer la situation des Juifs. En Russie, il a été particulièrement choqué d'apprendre la réalité des pogroms. À Odessa, il rencontra Léon Pinsker, un Juif russe qui le convainquit de la nécessité pour les Juifs d'avoir leur propre État afin d'éviter la haine et l'antisémitisme. Peu de temps après, Hechler publia en 1884 une brochure pour "la Restauration des Juifs en Palestine". Contrairement à d'autres pasteurs, il ne considérait pas leur conversion à la foi chrétienne comme une condition préalable. Au contraire, la priorité était leur retour sur la terre de leurs ancêtres pour permettre la seconde venue de Jésus. Et la sortie du livre d’Herzl résonna évidemment très bien chez Hechler, et ils se rencontrèrent à Vienne. Hechler fut très enthousiaste à aider Herzl de toutes les manières possibles. Comme il connaissait le Grand-Duc, qui était l’oncle et le mentor du Kaiser Wilhelm II, il réussit à lui présenter Herzl ainsi qu'au Kaiser dans l'année 1896. Le Kaiser promit de poursuivre l'idée d'établir une colonie juive en Palestine. Son motif était principalement politique car il était impatient de rivaliser avec les autres nations européennes, l'Angleterre et la France, dans la poursuite des colonies et influences dans le monde. Aussi Herzl lui proposa l’idée d’établir une colonie juive de langue allemande en Terre Sainte. Les efforts d’Herzl commencèrent à porter leurs fruits bien que son idée d'un "État juif" ait rencontré l'opposition de nombreux Juifs, y compris des organismes religieux qui considéraient que seul le Messie devait accomplir cette prophétie divine de ramener son peuple dans leur patrie. Néanmoins, en 1897, il appella à une réunion des Juifs de toute l'Europe pour créer une organisation capable de soutenir l'initiative d'établir une présence juive en Terre Sainte : ce fut le premier Congrès sioniste qui eut lieu à Bâle, en Suisse, à la fin du mois d'août 1897. Plus tard cette année-là, Herzl écrivit dans son journal : Si je devais résumer le Congrès de Bâle en un mot - que je me garderai de prononcer publiquement - ce serait ceci : À Bâle, j'ai fondé l'Etat juif. Si je le disais à haute voix aujourd'hui, je serais accueilli par un rire universel. Dans cinq ans peut-être, et dans cinquante ans certainement, tout le monde s'en apercevra. Et en effet, un État pour les Juifs a été officiellement voté par l'ONU cinquante ans plus tard... il appela à une réunion des Juifs de toute l'Europe pour créer une organisation capable de soutenir l'initiative d'établir une présence juive en Terre Sainte : c'est devenu le Congrès sioniste. Il eut lieu à Bâle, en Suisse, à la fin du mois d'août 1897. Plus tard cette année-là, Herzl écrivit dans son journal : Si je devais résumer le Congrès de Bâle en un mot - que je me garderai de prononcer publiquement - ce serait ceci : À Bâle, j'ai fondé l'Etat juif. Si je le disais à haute voix aujourd'hui, je serais accueilli par un rire universel. Dans cinq ans peut-être, et dans cinquante ans certainement, tout le monde s'en apercevra. Et en effet, un État juif a été officiellement voté par l'ONU cinquante ans plus tard... 

Pendant ce temps, à l'époque d'Herzl, le Kaiser devait se rendre en Palestine en 1898 afin d'inaugurer la fondation de l'Église du Rédempteur à Jérusalem. Il demanda à Herzl de le rencontrer là-bas pour discuter plus en avant de l'initiative « sioniste ». 
 

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Rencontre à Mikveh Israël

Herzl et une poignée de représentants sionistes se rendirent en Terre Sainte en octobre 1898. Ils débarquèrent à Jaffa le mercredi 26 octobre 1898. Ils y apprirent que le Kaiser allait arriver à Haïfa, après qu'il ait décidé d'amarrer son navire devant le port allemand de la colonie de Templiers là-bas. Puis il devait se rendre à Jaffa, où une autre colonie de Templiers allemands devait l'accueillir. De là, le plan était de visiter l'école agricole de Mikveh Israel, non loin de Jaffa, avant de se diriger vers Jérusalem. Herzl est arrivé à cette école le 26 et y a passé une nuit à attendre le Kaiser. Le lendemain, un des délégués sionistes, David Wolffsohn, apporta un appareil photo pour immortaliser la rencontre entre les deux hommes.


Mikveh Israel (signifie "Espoir d'Israël" en hébreu) était une école créée par l'organisation française "Alliance" en 1870. Son objectif était d'instruire les élèves juifs et arabes sur les méthodes agricoles. Elle fonctionna plus ou moins pendant 50 ans jusqu'à la création de l'État d'Israël. Herzl espérait que le Kaiser verrait en l'école un exemple réussi d'apprentissage et de mise en œuvre agricoles dirigés par les Juifs. 
Le Kaiser arriva à cheval le 27. Il reconnut Herzl de loin et chevaucha jusqu'à lui. Il lui fit part de ses impressions de ce qu'il avait vu jusqu'ici : C'est une terre qui avait un avenir. Alors que Herzl se tenait devant lui, Wolffsohn pris quelques clichés. Hélas, il n'avait pas cadré correctement : Herzl a été complètement coupé et le cheval blanc du Kaiser aussi. De retour à Jaffa, Wolffsohn décida d'organiser une photo séparée de Herzl, et de faire un photo-montage avec le cheval noir de l'aide de camp du Kaiser, et avec la tête du Kaiser penchée vers Herzl. Après quelques heures de travail acharné, Wolffsohn a obtenu la photo historique qu'il cherchait...
 

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Villages juifs


Le Kaiser ne s'est pas arrêté longtemps à Mikveh Israël après avoir appris que l'école était en fait gérée par une organisation française ! La France et l'Allemagne étaient déjà en désaccord sur le contrôle des colonies en Afrique. Tandis que le Kaiser poursuivait sa route vers Jérusalem, Herzl passa le reste de la journée à visiter d'autres « colonies de Juda » (Moshavot Yehuda). Il se dirigea d'abord vers Rishon-le-Sion, ce qui signifie le Premier à Sion parce qu'ils prétendaient s'être installés les premiers en Terre d'Israël. Mais des problèmes financiers poussèrent ses premiers colons à rechercher le patronage du baron de Rothschild, qui a en effet aidé de nombreuses premières colonies juives (celles de ladite Première Aliyah). Rothschild aida à transformer Rishon-le-Zion en un village viticole, mais un commissaire nommé par lui gérait la colonie. Herzl nota dans son journal : 
 
Après une visite plutôt décevante à Rishon, Herzl a été enchanté par sa prochaine visite à Ness Ziona. La colonie y était une propriété privée (pas de patronage du Baron) et a commencé quand un juif d'Odessa, appelé Reuben Lehrer, est venu ici en 1883 et a acheté un terrain près du village arabe de Wadi ‘Hanin. Plus tard, à partir de 1891, plusieurs autres Juifs se sont installés près de lui et ont fusionné la colonie en une seule qu'ils ont appelée Ness Ziona (le Miracle de Sion). Herzl a noté: Là, nous avons été accueillis par toute la population; avec des chants d’enfants; un vieil homme [Lehrer] m'a offert du pain, du sel et du vin de sa propre vigne; J'ai dû visiter presque toutes les maisons des colons. 

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Lorsqu'ils quittèrent Ness Ziona, la délégation sioniste rencontra une "cavalcade" qui les supplia de visiter également leur colonie, à Rehovot. Le village avait été fondé en 1890 par les premiers pionniers qui ne souhaitaient pas être sous le patronage de Rothschild. Le nom Rehovot signifie "l'élargissement" d'après Genèse 26:22 : Car maintenant l'Éternel nous a fait de la place (élargie). La visite là-bas fit une impression durable sur Herzl qui a vu sa vision de ce que devrait être une nation juive : Une cavalcade est venue au galop vers nous depuis la colonie de Rehovot. Une vingtaine de jeunes gens qui faisaient une sorte de «fantasia», chantant avec vivacité des chansons hébraïques et grouillant autour de notre voiture. [Nous] avions les larmes aux yeux quand nous avons vu ces flottes, ces audacieux cavaliers en qui nos jeunes vendeurs de pantalons peuvent se transformer. Hedad ! ils ont pleuré, et se sont précipités à travers le pays sur leurs petits chevaux arabes. [...] A Rehovot, manifestation encore plus grande : tout le village m'attendait en rang et en file. Les enfants ont chanté. Avec les ressources de pauvres, un accueil princier. 

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Voyage à Jérusalem

Après cette journée éclairante, ils retournèrent à Jaffa pour la nuit. Le plan était de se rendre le lendemain, le 28 octobre, à Jérusalem en train. La ligne ferroviaire avait récemment ouvert en 1892 et c'était le premier chemin de fer au Moyen-Orient. Mais tout ne se passa pas comme prévu car Wolffsohn voulait rectifier la photo qu'il avait prise à Mikveh Israel. La matinée fut ainsi consacrée au traitement de cette affaire, de sorte que le groupe ne prit le train que plus tard dans la journée, qui était un vendredi, et arriva à Jérusalem après le début du Chabbat... Cela provoqua un malaise au sein de la communauté juive de la Ville Sainte, qui s’ajoutait au fait que les chefs religieux, en général, étaient négatifs envers le sionisme. Le groupe passa la nuit du vendredi dans un hôtel qu'ils avaient réservé.

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Jerusalem

Herzl se rendit compte que les dirigeants juifs locaux craignaient de mettre en colère les autorités turques s'ils montraient un quelconque soutien ou intérêt envers Herzl, le parrain d'un "État juif" en Terre Sainte. Et le monde venait d’apprendre les premiers massacres de populations arméniennes, chrétiennes, approuvés par le sultan Abdul-Hamid II vers 1895. En fait, même Herzl lui-même s'attendait à être arrêté à tout moment et expulsé de Terre Sainte, voire pire. 
En attendant un entretien avec le Kaiser, de plus en plus incertain en raison du calendrier serré de la visite officielle, Herzl et ses compagnons parcoururent la Vieille Ville, comme le feraient aujourd'hui les touristes modernes : le Mur des Lamentations, la Via Dolorosa , le Saint-Sépulcre, la Tour de David. Du haut d'une ancienne synagogue (peut-être la ‘Hurva), il regarda le Mont du Temple et le Mont des Oliviers.  


Le lundi 31 octobre, le Kaiser assista à la consécration de l'église du Rédempteur, motif officiel de son voyage en Terre Sainte. Mais le timing tourna mal pour les délégués sionistes : le Kaiser devait quitter la Terre Sainte deux jours plus tard et aucune entrevue ne semblait désormais possible pour Herzl. Dans la même journée, Wolffsohn se rendit de temps en temps au campement allemand (qui se trouvait dans l'actuelle rue Ha-Nev'im à Jérusalem) pour venir aux nouvelles. Herzl put finalement obtenir la réponse que le Kaiser le rencontrera le lendemain ou le surlendemain. L'optimisme est de nouveau remonté.

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Herzl se rendit compte que les dirigeants juifs locaux craignaient de mettre en colère les autorités turques s'ils montraient un quelconque soutien ou intérêt envers Herzl, le parrain d'un "État juif" en Terre Sainte. Et le monde venait d’apprendre les premiers massacres de populations arméniennes, chrétiennes, approuvés par le sultan Abdul-Hamid II vers 1895. En fait, même Herzl lui-même s'attendait à être arrêté à tout moment et expulsé de Terre Sainte, voire pire. 
En attendant un entretien avec le Kaiser, de plus en plus incertain en raison du calendrier serré de la visite officielle, Herzl et ses compagnons parcoururent la Vieille Ville, comme le feraient aujourd'hui les touristes modernes : le Mur des Lamentations, la Via Dolorosa , le Saint-Sépulcre, la Tour de David. Du haut d'une ancienne synagogue (peut-être la ‘Hurva), il regarda le Mont du Temple et le Mont des Oliviers.  
Le lundi 31 octobre, le Kaiser assista à la consécration de l'église du Rédempteur, motif officiel de son voyage en Terre Sainte. Mais le timing tourna mal pour les délégués sionistes : le Kaiser devait quitter la Terre Sainte deux jours plus tard et aucune entrevue ne semblait désormais possible pour Herzl. Dans la même journée, Wolffsohn se rendit de temps en temps au campement allemand (qui se trouvait dans l'actuelle rue Ha-Nev'im à Jérusalem) pour venir aux nouvelles. Herzl put finalement obtenir la réponse que le Kaiser le rencontrera le lendemain ou le surlendemain. L'optimisme est de nouveau remonté.

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Herzl rencontre Wilhelm

Enfin, un rendez-vous fut fixé pour le mercredi. Les délégués sionistes durent donc attendre encore un peu. Pendant ce temps, ils continuèrent à visiter des sites de la ville, dont le mont des Oliviers et aussi le Tombeau des Rois pour lequel Herzl nota correctement qu'il appartenait à un Juif français, Péreire, qui fut obligé par les autorités turques de le céder au gouvernement français, parce que les lois ottomanes n'autorisaient pas les Juifs à posséder quoi que ce soit en dehors de quelques lieux précis réservés à leur communauté.  


Enfin l'audience eut lieu comme prévu, le 2 novembre 1898, vers midi. Le Kaiser fut très affable envers Herzl. Après que le dirigeant sioniste ait lu sa communication préparée, le Kaiser répondit que la question nécessitait plus d'étude et de discussion, que la terre avait désespérément besoin d'ombre [d'arbres] et d'eau, et il conclut que le mouvement [sioniste] de Herzl contenait une idée valide. La nécessité d'une solution à l'eau a été soulignée à plusieurs reprises dans cette conversation. Au total, l'audience fut plutôt courte et Herzl déclara à ses autres compagnons que le Kaiser n'avait dit ni oui ni non. Herzl considéra donc que sa mission d'obtenir le patronage du Kaiser avait échoué. 
 

Motza

Après l'audience, les délégués se rendirent à Motza, une petite colonie fondée en 1854 par un Juif de Jérusalem. Lorsque Herzl visita le village, il y avait quelque 200 habitants qui réussirent à cultiver un sol très infertile. Là, Herzl planta un jeune cyprès qui survécut jusqu'à la Première Guerre mondiale, jusqu’au moment où les Turcs abattirent la plupart des arbres de Terre Sainte afin d'alimenter leurs locomotives à vapeur et de transporter leur effort de guerre sur le front sud contre les forces britanniques.    
 

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Départ précipité de Terre Sainte

Le lendemain, jeudi 3 novembre, les délégués prirent un train de bonne heure pour Jaffa. Herzl avait hâte de quitter la Terre Sainte avant que les autorités turques ne finissent par l'arrêter. De nouveaux retards les obligèrent cependant à passer une nuit supplémentaire à Jaffa, où Herzl se sentit entouré d'espions. Mais ils purent finalement partir en bateau le vendredi 4 novembre, cette fois avant Chabbat ! 

Ainsi, au total, la visite de Herzl en Terre Sainte a duré 10 jours au cours desquels il a visité 7 communautés de Juifs, de différentes périodes de peuplement : Jaffa, Mikveh Israël, Ness Ziona, Jérusalem et Motza ont toutes été établies avant la soi-disant "Première" Aliyah qui a commencé en 1882, tandis que Rishon-le-Zion et Rehovot dataient de cette première Aliyah. 

Conséquences.

Herzl estima que la rencontre tant attendue avec le Kaiser avait échoué. Le problème était que le Kaizer avait soulevé la proposition au Sultan lorsqu'il l'avait rencontré à Istanbul, avant son arrivée en Terre Sainte, mais le Sultan avait catégoriquement refusé de permettre aux Juifs, et uniquement aux Juifs, de s'installer sur place. Mais une personne suivait l'affaire de près : le révérend Hechler. À cette époque, il travaillait comme aumônier à l'ambassade britannique à Vienne et avait aussi un parent britannique. L'échec de l'initiative allemande lui donna l'opportunité d'en lancer une autre, britannique cette fois... Et parce que l'idée avait déjà mûri dans l'esprit des principaux politiciens britanniques, qui partageaient la même conviction religieuse que Hechler, cette nouvelle initiative fit des progrès.
 
Le même jour, 19 ans après la rencontre Herzl-Wilhelm, Lord Balfour donna la fameuse "Déclaration" aux dirigeants juifs de Grande-Bretagne le 2 novembre [1917]. Ceux qui s'intéressent à l'astrologie ne manqueront pas de remarquer que, coïncidence ou non, la période de 19 ans correspond à la durée du soi-disant cycle de Méton lorsque toutes les planètes du système solaire reviennent à la même position.

Comme l'Histoire le sait maintenant, la Déclaration Balfour a favorisé l'établissement d'une nation juive en Terre Sainte. Et, parce que les nations arabes la rejetèrent, ainsi que d'autres propositions ou compromis pour partager cette terre, cela a finalement ouvert la voie à un vote à l'ONU pour établir des États arabes et juifs indépendants et séparés. 


(c) Albert Benhamou, février 2019

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