Seder Olam Revisité : F28a- Esther
- Albert Benhamou
- Jul 3
- 21 min read
CHRONOLOGIE BIBLIQUE
Génération 28 : Années hébraïques 3240-3360 (520-400 av. J.-C.)
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Introduction
Cette génération s'inscrit dans le cycle des 7 générations chronologiques qui débuta avec la 7e génération de Lamech (voir document F07), suivie de la 14e génération du Déluge (voir document F14), puis de la 21e génération de l'Exode (voir document F21a à l'année hébraïque 2455, où plus de détails sont donnés sur la récurrence des 7 générations). Cette 28e génération chronologique marque le déclenchement "spontané" du retour à Sion (la Terre d'Israël), par le retour volontaire des Juifs qui abandonnèrent finalement leur vie d'exilés dans l'Empire perse.
Chronologie du Retour à Sion pendant la 28e génération
La première partie de cette chronologie couvre l'épisode de la reine Esther, qui déclencha le retour spontané de masse des Juifs dans leur terre ancestrale.
Année | Avant J.C. | Diff. | Retour à Sion | Source |
3244 | -516 | 6 | Le Second Temple est inauguré | Ezra 6:15 |
3274 | -486 | Mort de Darius ; règne de son fils Xerxès (Assuérus) | (Histoire) | |
3276 | -484 | 2 | Disgrâce de Vashti, épouse de Xerxès | Esther 1:3 |
3280 | -480 | Campagne de Xerxès en Grèce | (Histoire) | |
3282 | -479 | 7 | Esther, reine de Perse | Esther 2:16 |
3285 | -475 | Fête de Pourim | Esther 3:7 | |
3295 | -465 | Règne d'Artaxerxès | (Histoire) | |
3296 | -464 | Rêve de Mardochée | Apocryphe |
Année 3244 – 516 av. J.-C. – Achèvement du Second Temple
La construction du Second Temple fut achevée quatre ans après le décret de Darius, la sixième année de son règne, au dernier mois de l'année (Adar).
Cette maison fut achevée le troisième jour du mois d'Adar, la sixième année du règne du roi Darius. Les enfants d'Israël, prêtres et Lévites, ainsi que le reste des enfants de la captivité, célébrèrent avec joie la dédicace de cette maison de Dieu. Ils offrirent, lors de la dédicace de cette maison de Dieu, cent taureaux, deux cents béliers et quatre cents agneaux, et, en sacrifice d'expiation pour tout Israël, douze boucs, selon le nombre des tribus d'Israël. Ils établirent les prêtres selon leurs classes et les Lévites selon leurs divisions, pour le service de Dieu à Jérusalem, comme il est écrit dans le livre de Moïse. (Esdras 6:15-18)
Darius avait demandé qu'une plaque commémorative de la ville de Suse soit placée à l'est, face à son empire. Cela fut fait à la porte orientale du Temple, alors appelée "Porte de Suse" (voir aussi document F27b, la vision d'Ezéchiel en l'année hébraïque 3187).
Quelques semaines plus tard, au mois de Nisan, les Juifs célébrèrent la fête de Pessah (la Pâque juive, cliquez ici pour cette fête). Une telle célébration n'avait pas eu lieu au Temple depuis la fin du règne du roi Josias, quelque 92 ans auparavant. Le premier grand prêtre après ce retour de Babylone fut Yéshua, fils de Yotsadak, le grand prêtre parti en captivité. Yéshua occupa ce poste jusqu'en 490 avant J.C., quand il fut remplacé par son fils Joïakim jusqu'en 470 avant J.C. Joïakim fut ensuite remplacé par son fils Éliashib jusqu'en 433 avant J.C. puis fut remplacé par Joïada. Mais l'un des fils de ce dernier épousa une Cananéenne. Les détails chronologiques sont donnés dans Néhémie 12, mais les dates sont approximatives. L'érection du Second Temple, à une époque où la royauté n'existait plus au sein de la nation juive, signifiait que l'autorité la plus importante parmi les Juifs était désormais le Grand Prêtre. Pendant ce temps, en Perse, les Juifs commencèrent à s'assimiler et à vivre confortablement sous le règne des dirigeants perses, tolérants envers les religions.
Vers 3260 – 500 av. J.-C. – Le Pseudo-Scylax
Sous le règne de Darius, un Grec nommé Scylax de Caryanda fit un voyage en bateau via plusieurs ports de la Méditerranée, notamment ceux de la côte du Levant. Son récit, intitulé "Périple de la mer d'Europe habitée, d'Asie et de Libye", est intéressant concernant la côte de la Terre d'Israël, car il confirme que les ports étaient alors sous le contrôle des Sidoniens de Phénicie. Cette situation s'inscrivait dans le cadre d'un accord conclu avec les Perses visant à contrer l'expansion de la puissance maritime de la Grèce.
L'auteur mentionne spécifiquement les ports de Jaffa (Jaffa), Doris (Dora) et Ascalon (Ashkelon), ainsi que les distances entre les lieux qu'il décrit.
Voici l'extrait correspondant, avec quelques parties manquantes du texte original :
Les voyageurs peuvent remarquer dans ce pays la ville de Paléotyre [Tyr], au milieu de laquelle coule le fleuve du même nom, et la ville d'Ecdippa [Achziv], avec son fleuve [...], et les villes d'Aké [Akko], de Bélos [probablement l'actuelle Ashdod] et d'Askelon [Ashqelon] des Tyriens, et les villes d'Arados [probablement l'actuelle Atlit] et de Doros [Dor], habitées par les Sidoniens, et les villes de Sycomon et de Joppé [Jaffa], le mont Carmel et le temple de Jupiter.
On dit que c'est à Joppé qu'Andromède fut découverte.
C'est à Ascalon que se trouvent les arsenaux et les chantiers navals de la cour syrienne, [...] de [...] Jusqu'à Ascalon, il y a 1700 stades. (Pausanias ou Voyage Historique, etc. Nouvelle édition [...] augmentée du Voyage autour du Monde par Scylax, traduit du grec en français par J. Ch. Poncelin, Paris, 1797)
Notes concernant les mots soulignés ci-dessus :
Sycaminon était un village de figuiers situé près de l'actuelle Haïfa, sur la côte, près du mont Carmel. Il est en réalité différent du site antique appelé Shiqmona, bien que leurs noms se ressemblent.
Le mont Carmel a souvent été le lieu d'un culte païen, même à l'époque du royaume israélite du Nord, lorsqu'Élie affronta les prêtres de Baal sous le règne d'Achab (voir document F24b). Le mont Carmel, avec sa falaise atteignant presque la mer, est remarquable pour les navigateurs de tous les temps.
À Jaffa, il existe une formation rocheuse en mer appelée le Rocher d'Andromède. Selon la mythologie grecque, Andromède fut enchainée par le dieu Poséidon sur ce rocher pour être dévorée par un monstre marin, mais elle fut sauvée in extremis par le héros Persée.
Un stade mesurait 180 pieds selon Hérodote, mais la longueur d'un pied variait selon les régions. Ainsi, en Grèce, un stade mesurait environ 180 mètres tandis qu'en Égypte et dans l'Empire perse, il mesurait environ 200 mètres ; dans le texte, il manque la partie à partir de laquelle on peut compter la distance de 1700 stades, ce qui correspondait à environ 300 km pour un voyageur grec ; la distance mentionnée était probablement la distance soit de Beyrouth à Ashqelon, ou d'Ashqelon au delta du Nil.
Année 3274 – 486 av. J.-C. – Mort de Darius
Darius fut le premier souverain perse à étendre son influence sur le continent européen. Il traversa l'Asie Mineure pour gagner la Grèce du Nord et envahit la plupart des régions grecques, dont la Thrace et la Macédoine, mais échoua à atteindre Athènes après sa défaite à Marathon en 490 av. J.-C. Cette bataille sauva la Grèce. Déjà âgé à cette époque, il laissa à son fils Xerxès le soin de poursuivre son œuvre et de conquérir le reste de la Grèce, comme il l'aurait souhaité. Mais cela n'arrivera pas.
Darius mourut en 486 av. J.-C. (année hébraïque 3274) et fut enterré dans la nécropole des rois perses à Naqsh-Rostam, près de Persépolis, dans l'Iran actuel.

3274 – 486 av. J.-C. – Xerxès, roi de Perse
Xerxès, surnommé Assuérus dans la Bible, avait été désigné par son père pour devenir l’héritier achéménide. Il devint donc naturellement roi de l’empire après la mort de son père. Il avait 36 ans lorsqu’il commença son règne. Sa première mission fut de réprimer des révoltes en Égypte et surtout à Babylone. De ce fait, il refusa le titre de roi de Babylone, contrairement à son père Darius.

Année 3276 – 484 av. J.-C. – Assuérus et Vasthi
Le livre d'Esther, dans la Bible, s'ouvre sur les détails suivants :
Du temps d'Assuérus – Assuérus qui régna de l'Inde jusqu'en Éthiopie sur cent vingt-sept provinces –, le roi Assuérus, alors qu'il siégeait sur son trône, situé à Suse, la capitale, offrit, la troisième année de son règne, un festin à tous ses princes et à ses serviteurs ; l'armée de Perse et de Mède, les nobles et les princes des provinces étaient devant lui. (Esther 1:1-3)
Xerxès commença son règne avec 127 provinces. À son arrivée au pouvoir, son père gouverna 120 provinces (Daniel 6:2) et ajouta sept nouvelles conquêtes à l'empire perse. L'expression biblique siégeait sur son trône rappelle que Xerxès avait déjà été choisi comme héritier de l'Empire perse, bien que cette succession ait été sujette à controverse du vivant de Darius, car Xerxès avait un demi-frère aîné, Artabazane. Or, ce fils ayant une mère roturière, Xerxès prétendit que le trône lui appartenait, car il était issu d'une lignée princière. La raison de cette fête, qui dura plusieurs mois, et à laquelle participa toute l'armée, était que Xerxès souhaitait asseoir son autorité et se préparait à remonter le moral de sa nation avant de s'engager dans la future campagne militaire contre la Grèce. Son père avait été vaincu à Marathon et il laissa à Xerxès le soin d'achever la conquête.
Xerxès était marié à Vasthi, fille d'un haut dignitaire, Otanes, l'un des sept conspirateurs qui portèrent Darius au trône. Vasthi a été identifiée comme Amestris (pour plus de détails, en anglais, cliquez ici). Lors de ce festin, l Bible nous dit que le roi voulut la montrer à ses invités en raison de sa beauté, mais elle refusa d'obéir à cet ordre. Il dut la punir au risque de nuire à son autorité devant tous les invités de l'empire :
La reine Vasthi donna un festin aux femmes de la maison royale du roi Assuérus. Le septième jour, le cœur du roi étant ivre de vin, il ordonna à Mehuman, Bizzétha, Harbona, Bigtha, Abagtha, Zéthar et Carcas, les sept eunuques qui servaient devant le roi Assuérus, d'amener la reine Vasthi devant lui, coiffée de la couronne royale, afin de montrer sa beauté aux peuples et aux princes ; car elle était belle à voir. Mais la reine Vasthi refusa de se rendre à l'ordre du roi par l'intermédiaire des eunuques ; le roi fut alors très irrité et sa colère s'enflamma. (Esther 1:9-12)
Le texte biblique mentionne les noms de dignitaires connus des historiens. Bizzétha était Mégabyze, qui conspirera plus tard contre Xerxès, mais qui changea finalement de camp. Abagtha était Artaban, qui supervisait les harems et assassina plus tard Xerxès.
Au lieu d'user de son autorité, comme l'aurait fait le roi du plus grand empire de l'époque, Assuérus joua la prudence face à Vasthi, car il était presqu'illégitime sur le trône et elle était la fille d'un dignitaire, l'un de ses commandants d'armée. De plus, la fête visait à unifier son empire en vue de la campagne de Grèce ; il était donc inapproprié de semer le chaos à la tête de l'État et de l'armée. Xerxès se devait de remporter une grande campagne militaire pour renforcer son pouvoir. Il suivit donc les conseils de hauts dignitaires pour décider de la marche à suivre :
Alors le roi dit aux sages, qui connaissaient les traditions – car telle était la conduite du roi envers tous ceux qui connaissaient la loi et le jugement ; et ceux-ci étaient Carshéna, Shétar, Admatha, Tarsis, Mérès, Marséna et Memucan, les sept princes de Perse et de Mède, qui avaient accès au roi et siégeaient à la tête de l'empire : "Que ferons-nous à la reine Vasthi, conformément à la loi, puisqu’elle n’a pas obéi à l’ordre du roi Assuérus transmis par les eunuques ?" (Esther 1:13-15).
Parmi les princes de Perse, Marséna connu comme Arsamène, était, selon Hérodote, un fils de Darius (Hérodote, Histoire, chapitre Polymnie, section LXVIII). Certains de ces autres noms font référence aux noms de provinces qui formaient l’Empire perse, comme Shétar pour la Scythie, Tarsis pour l'Asie Mineure, Paksis qui était la Bactriane, Mérès pour la Mède, Marséna pour la Margiane. Les noms de ces provinces sont mentionnés dans l'inscription de Behistun (Darius, colonne 2, section [2.2]).
Memucan fut le dernier de la liste à être mentionné, car il était probablement un dignitaire de rang inférieur comparé aux autres "princes", et pourtant il fut le seul à prendre la parole :
Memucan répondit devant le roi et les princes : "La reine Vasthi n'a pas seulement fait tort au roi, mais aussi à tous les princes et à tous les peuples qui habitent les provinces du roi Assuérus. Car cet acte de la reine se répandra sur toutes les femmes, rendant leurs maris méprisables à leurs yeux, lorsqu'on dira : Le roi Assuérus a ordonné qu'on amène la reine Vasthi devant lui, mais elle n'est pas venue." (Esther 1:16-17)
Selon le Talmud, ce Memucan était impatient d'obtenir une promotion, et il venait de donner le bon conseil que le roi désirait tant entendre :
Un Tanna enseigna : Memucan (מְמוּכָן) est identique à Haman. Et pourquoi fut-il appelé Memucan ? Parce qu'il était destiné [mukhan מוּכָן] au châtiment. R. Kahana dit : Nous voyons ici qu'un homme ordinaire se met toujours en avant. (Talmud, Méguila, 12b)
Vashti fut déshonorée, mais pas exécutée en raison de sa lignée aristocratique. Xerxès put ensuite se préparer à la guerre.
Année 3276 – 484 av. J.-C. – Les "70 ans"
Les Sages juifs ont débattu du décompte des 70 ans de l'exil à Babylone : la prophétie de Jérémie s'appliquait-elle aux dirigeants babyloniens ou à la captivité à Babylone ? Quand était-elle censée prendre fin ? La question avait intrigué Daniel à son époque (voir document F27c, année 3238), et le texte suivant donne une idée de la difficulté rencontrée par les Sages à l'époque du Talmud, soit quelques 800 ans plus tard, pour établir la chronologie des événements :
En ces temps-là, lorsque le roi [Assuérus] siégeait [sur son trône]. [Comment cela est-il possible] puisqu'il est dit juste après, dans la troisième année de son règne ? — Raba demanda : Que signifie "lorsqu'il siégeait" ? Après qu'il eut commencé à se sentir en sécurité. Il raisonna ainsi : "Belshazzar a calculé et s'est trompé ; moi, j'ai calculé et je ne me suis pas trompé." — Que signifie cela ? — Il est écrit : "Quand soixante-dix ans seront accomplis pour Babylone, je me souviendrai de toi." Et il est écrit : "Il accomplira soixante-dix ans pour les désolations de Jérusalem." Il [Belshazzar] compta quarante-cinq ans pour Nabuchodonosor, vingt-trois pour Evil-merodach et deux pour lui-même, soit soixante-dix ans en tout. Il sortit alors les ustensiles du Temple et les utilisa [pendant sa grande fête].
Et comment savons-nous que Nabuchodonosor régna quarante-cinq ans ? — Comme l'a dit un Maître : "Ils partirent en exil la septième année, puis la huitième année ; la dix-huitième année, puis la dix-neuvième année." — [C'est-à-dire] la septième année après la soumission de Joïakin, ils subirent l'exil de Jéconia, soit la huitième année de Nabuchodonosor. La dix-huitième année après la soumission de Joïakin, ils subirent l'exil de Sédécias, c'était la dix-neuvième année de Nabuchodonosor, comme l'a dit un Maître : La première année [de son règne], il [Nabuchodonosor] renversa Ninive ; la seconde année, il conquit Joïakin. Et il est écrit : Et il arriva, la trente-septième année de la captivité de Joïakin, roi de Juda, le vingt-septième jour du douzième mois, qu'Evil-merodac, roi de Babylone, dans l'année de son règne, releva la tête de Joïakin, roi de Juda, et le fit sortir de prison. Trente-huit et sept font quarante-cinq pour Nabuchodonosor. Les vingt-trois d'Evil-merodac, nous le savons par la tradition. Ceux-ci, avec deux de ses propres [années de règne], font soixante-dix. Il [Belshazzar] se dit : "Assurément, ils [les Juifs] ne seront pas rachetés [par leur Dieu]." Il sortit donc les ustensiles du Temple et s'en servit. C'est pourquoi Daniel lui dit : "Mais tu t'es élevé contre le Seigneur des cieux, et ils ont apporté les ustensiles de sa maison devant toi." Il est écrit aussi : "Cette nuit-là, Belshazzar, roi des Chaldéens, fut tué." Il est écrit : "Et Darius le Mède reçut le royaume, déjà soixante-deux ans."
Il [Assuérus] dit : "Il [Belshazzar] a calculé et s'est trompé. Je calculerai et je ne me tromperai pas." Est-il écrit : "Soixante-dix ans pour le royaume de Babylone ?" Il est écrit : "Soixante-dix ans pour Babylone." Que signifie Babylone ? L'exil de Babylone. Combien d'années [ce calcul] est-il inférieur [à l'autre] ? Huit. Alors, à leur place, il inséra une [année] pour Belshazzar, cinq pour Darius et pour Cyrus, et deux des siennes, ce qui fit soixante-dix — Quand il vit que soixante-dix avaient été complétés et qu'ils [les Juifs] n'étaient pas rachetés, il sortit les ustensiles du Temple et s'en servit. — Alors Satan vint et dansa parmi eux et il abattit Vasthi. Mais a-t-il bien compté ? — Il s'est également trompé puisqu'il aurait dû compter à partir de la destruction de Jérusalem. Compte tenu de tout cela, combien d'années sont manquantes ? Onze. Combien de temps a-t-il régné ? Quatorze. Par conséquent, la quatorzième année de son règne, il aurait dû reconstruire le Temple. Pourquoi alors est-il écrit : "Alors cessa l'œuvre de la maison de Dieu qui est à Jérusalem" ? — Raba répondit : Les années n'étaient pas pleines. (Talmud, Méguila, 11b)
De plus, Raba pensait que Daniel avait également commis une erreur initiale de calcul :
Raba dit : Daniel fit également une erreur dans ce calcul, car il est écrit : "La première année de son règne, moi, Daniel, je méditais dans les livres [etc.]." De l’emploi des mots "je méditais" [qui peuvent aussi se lire "je révisais"], nous pouvons déduire qu’il [au début] s’était trompé. (Talmud, Méguila, 12a)
Établir une chronologie exacte était une tâche ardue à cette époque, et l'est encore aujourd'hui ! Dans ce cas précis, les 70 ans s'appliquaient au châtiment divin du royaume babylonien : il fut détruit par les Perses 70 ans après la prophétie de Jérémie. Or, la captivité babylonienne était censée prendre fin après ces 70 ans. L'effondrement de Babylone avait en effet ouvert la voie à la fin de la captivité avec le décret de Cyrus. Mais la fin de la captivité n'impliquait pas la fin de l'exil, car la plupart des Juifs restèrent libres à Babylone, se déplaçant même vers des villes perses comme Suse, au lieu de retourner à Sion comme Dieu l'attendait et le souhaitait. La tentative de Raba de situer la fin de la période de 70 ans à l'époque d'Assuérus était erronée. Il voulait certainement faire correspondre cette période au groupe de Juifs qui furent les premiers à retourner à Sion avec Zorobabel. Mais ce premier retour ne marqua pas la fin de l'exil. La captivité avait effectivement pris fin (officiellement) avec le décret de Cyrus, mais la plupart des Juifs préféraient rester exilés dans le vaste empire perse et profiter de leur nouveau statut de citoyens libres. Le risque évident était la fin de la nation juive par assimilation, comme cela avait été le cas pour leurs ancêtres en Égypte, où ils avaient occupé de hautes fonctions et adopté les coutumes locales. Pour inciter les Juifs à revenir en grand nombre et à reconstruire Sion, Dieu devait planifier une succession d'événements qui provoqueraient le retour à leur foi ancestrale et le rattachement à l'Alliance conclue avec leurs ancêtres.
Année 3280 – 480 av. J.-C. – Campagne de Xerxès contre la Grèce
Xerxès lança une offensive contre la Grèce au printemps 480 av. J.-C. avec une armée nombreuse. Il fut défié par Léonidas et une petite armée spartiate à la bataille des Thermopyles, mais il remporta cette campagne et s'empara même d'Athènes. Mais la guerre n'était pas terminée. Les Grecs s'étaient repliés sur Salamine, ville voisine, et avaient vaincu toute la flotte perse dans ce détroit. Craignant d'être coupé de l'Asie sur le continent européen, Xerxès décida de rentrer en Perse à l'hiver 480 av. J.-C., mettant ainsi fin à sa campagne avec des résultats mitigés, ne parvenant pas à consolider son succès temporaire.

De retour à Suse, craignant sans doute pour sa propre survie à la tête de l'empire, Assuérus souhaita assurer la descendance de sa dynastie. Pour ce faire, et n'ayant plus d'épouse officielle, il envisagea de rétablir Vasthi dans son ancien statut, ce qui conforterait sa position auprès des chefs de son armée. L'affaire était urgente, surtout après sa difficile campagne contre la Grèce, qui risquait à tout instant de lui coûter la vie. Mais ses dignitaires voulaient empêcher cette réconciliation et recherchaient plutôt de jeunes vierges pour occuper l'esprit du roi (Esther 2:1-4).
Hadassah, une orpheline juive, fut remarquée par le chambellan du roi responsable du harem. Elle était la nièce de Mardochée, un Benjamite qui avait Kish comme ancêtre, tout comme le roi Saül. Mardochée avait participé au premier Retour à Sion, après le décret de Cyrus, mais retourna plus tard en Perse.
Hadassah fut amenée au palais de Suse pour y être élevée comme concubine. Mais elle dissimula ses origines juives et se fit appeler Esther, un nom dérivé d'Ishtar, la déesse de Babylone. Le nom de Mardochée lui-même fut également inventé pour la même raison, car Mardochée signifie Mardouk, le dieu de Babylone.
Année 3282 – 479 av. J.-C. – Reine Esther
Esther fut présentée à Xerxès/Assuérus vers la fin de l'année 479 av. J.-C. :
Esther fut emmenée auprès du roi Assuérus dans sa maison royale, au dixième mois, qui est le mois de Tébeth, la septième année de son règne. Le roi aimait Esther plus que toutes les femmes, et elle obtint grâce et faveur à ses yeux plus que toutes les vierges ; il mit la couronne royale sur sa tête et la fit reine à la place de Vasthi.
Le roi donna alors un grand festin à tous ses princes et à ses serviteurs, le festin d'Esther ; il accorda des grâces aux provinces et offrit des présents, selon la générosité du roi. Les vierges furent rassemblées une seconde fois, et Mardochée était assis à la porte du roi. Esther n'avait pas encore fait connaître sa famille ni son peuple, comme Mardochée le lui avait ordonné. Esther, en effet, obéit aux ordres de Mardochée, comme lorsqu'elle avait été élevée avec lui. (Esther 2:16)
Mardochée découvrit plus tard que deux conspirateurs du palais royal voulaient assassiner le roi, sans doute à cause de l'échec de sa campagne. À cette époque, un roi illégitime ne gagnait sa légitimité qu'en remportant des victoires. Mardochée informa Esther de la conspiration, et elle en informa le roi. Les conspirateurs furent pendus. L'événement fut consigné dans les annales du règne, mais fut rapidement oublié à l'époque.

Année 3285 – 475 av. J.-C. – Fête de Pourim
Assuérus récompensa Haman en lui donnant à un rang supérieur à tous les autres dignitaires. Ceci, sans aucun doute, parce qu'il ne craignait pas une conspiration de la part de ce chambellan vu qu'il n'était attaché à aucune famille de l'aristocratie ou de l'armée. En fait, Haman était de la tribu d'Agag, du peuple d'Amalek. Agag avait été épargné par le roi Saül contre l'ordre divin (voir document F23b, année hébraïque 2699) :
Saül frappa les Amalécites depuis Havila, en direction de Shur, qui est en face de l'Égypte. Il prit Agag vivant, roi d'Amalécites, et extermina tout le peuple au fil de l'épée. Mais Saül et le peuple épargna Agag, les meilleurs moutons et les meilleurs bœufs, même les jeunes nés, les agneaux et tout ce qui était bon, et ne voulurent pas les exterminer entièrement ; mais ils exterminèrent entièrement tout ce qui était sans valeur et faible. (1 Samuel 15:7-9)
Par la voix du prophète Samuel, Dieu avait ordonné à Saül de tuer tous les Amalécites, mais Saül n'avait pas obéi. Ce faisant, par un revers de fortune, les survivants se retrouvèrent des années plus tard au service de l'Empire perse, tout en cultivant la haine envers le peuple juif.
Haman complota pour organiser un génocide contre les Juifs, usant de la tactique suivante pour faire comprendre au roi que ce peuple ne lui témoignerait ni respect ni prosternation :
Haman dit au roi Assuérus : "Il y a un peuple dispersé parmi les peuples, dans toutes les provinces de ton royaume ; ses lois diffèrent de celles de chaque peuple ; il n'observe pas les lois du roi ; il n'est donc pas avantageux pour le roi de les tolérer. Si le roi le veut, qu'il soit écrit qu'ils soient détruits ; je verserai dix mille talents d'argent entre les mains de ceux qui sont chargés des affaires du roi, pour qu'ils les apportent à son trésor." (Esther 3:8)
Haman reçut carte blanche du roi, d'autant que le chambellan lui avait promis de renflouer les caisses de son empire. Il envoya donc un décret dans toutes provinces ordonnant l'exécution de tous les Juifs en un seul jour. Avec l'aide de diseurs de bonne aventure, il fixa la date au 13e jour du mois d'Adar, qui est le 12e mois de l'année hébraïque. Dans le calendrier hébreu, les années sont comptées à partir de la fête du Nouvel An (Roch Hachana) tandis que les mois sont comptés à partir de Nisan, qui suit Adar ; Adar est donc le 12e et dernier mois du décompte des mois. Dans le calendrier hébreu, il n'y a pas de corrélation entre le décompte des années et celui des mois (pour plus d'information, cliquez ici).
Et pour rendre l'affaire encore plus attrayante aux yeux des bourreaux, il décréta qu'ils pourraient se saisir tous les biens de ceux qu'ils tueraient. Il avait correctement calculé que la cupidité garantirait une exécution rapide. Au XXe siècle, Hitler avait agi de la même manière : pour inciter les Allemands ordinaires à la violence contre les Juifs, il leur avait initialement permis de prendre ce qui leur plaisait des possessions de leurs victimes.
La consternation s'est alors emparée des Juifs et Mardochée a appelé Esther à l'aide. Après trois jours de jeûne, elle a invité le roi et Haman à un dîner privé qu'elle comptait préparer pour le lendemain et lui présenter sa requête. Toute cette procédure intrigua le roi :
Cette nuit-là, le roi ne put dormir ; il ordonna d'apporter le livre des annales, qui fut lu devant le roi. On y trouva écrit que Mardochée avait parlé de Bigthana et de Térésh, deux chambellans du roi, gardiens de la porte, qui avaient cherché à porter la main sur le roi Assuérus. Le roi dit : "Quel honneur et quelle dignité ont été rendus à Mardochée pour cela ?" Les serviteurs du roi lui dirent : "On ne lui a rien fait." Le roi demanda : "Qui est dans la cour ?"
En cet instant, Haman entra dans la cour extérieure du palais royal pour demander au roi de pendre Mardochée au gibet qu'il avait préparé pour lui. Les serviteurs du roi dirent au roi : "Voici Haman qui se tient dans la cour." Le roi dit : "Qu'il entre." Haman entra. Le roi lui dit : "Que fera-t-on à l'homme que le roi veut honorer ?" Haman se dit en lui-même : "Qui le roi veut-il honorer, sinon moi ?" Haman dit au roi : "Pour l'homme que le roi veut honorer, qu'on apporte l'habit royal que le roi porte, le cheval qu'il monte et sur la tête duquel est fixée une couronne royale ; que le vêtement et le cheval soient remis à l'un des plus nobles princes du roi, afin qu'ils habillent l'homme que le roi veut honorer, le fassent monter à cheval dans les rues de la ville et proclament devant lui : Voilà ce qu'il sera fait à l'homme que le roi veut honorer." Le roi dit alors à Haman : "Hâte-toi de prendre le vêtement et le cheval, comme tu l'as dit, et agis de même pour Mardochée, le Juif, qui est assis à la porte du roi ; que rien ne manque à tout ce que tu as dit." (Esther 6:1-10)
Après avoir rendu cet honneur royal suprême à Mardochée, Haman douta de la réussite de son plan de tuer tous les Juifs. Mais il n'eut pas le temps de changer le cours des événements, car il avait déjà informé toutes les provinces de l'empire d'exterminer les Juifs le lendemain, le 13 Adar.
Haman fut convoqué au dîner organisé par Esther. À la fin du dîner, Esther accusa Haman d'avoir ordonné l'extermination de tout son peuple, les Juifs, ce qui l'inclurait de facto, puisqu'elle était elle-même juive.

Ni Assuérus ni Haman ne connaissaient la foi juive d'Esther. Haman fut pendu à la potence qu'il avait préparée pour Mardochée. Le roi ordonna alors de contrer le décret funeste d'Haman contre les Juifs afin qu'ils puissent se défendre, en tuant ceux qui tenteraient de les attaquer et de piller leurs biens. Les Juifs tuèrent leurs ennemis, mais ne pillèrent pas leurs biens. Le texte biblique insiste longuement sur ce détail (Esther 9:10, 9:15 et 9:17). Il mentionne également la mort des dix fils d'Haman. De nombreux commentateurs modernes ont établi un parallèle entre Haman et Hitler. Les circonstances de la fête de Pourim partagent en effet plusieurs points communs avec la Shoah. Par exemple, la pendaison des dix fils d'Haman a été reprise par celle, après le procès de Nuremberg, de dix ministres et hauts dignitaires du régime nazi. De plus, et peut-être plus important encore, ces deux événements ont entraîné le retour des Juifs à Sion !
Les juges et les prophètes avaient souvent répété la voix divine : Dieu punira son peuple s'il s'écarte de son alliance, mais il ne permettra pas son anéantissement complet. Les 2500 dernières années d'histoire juive semblent avoir confirmé cette promesse divine, compte tenu de la survie improbable des Juifs malgré les persécutions, les conversions forcées, les décrets maléfiques et tout le reste que les nations avaient orchestré contre eux.
La même protection divine s'applique dans une certaine mesure aux Arabes, car Israélites et Arabes sont l'héritage d'Abraham. C'est une tragédie que ces deux peuples soient aujourd'hui en conflit, ce qui est assurément contraire à la volonté de Dieu et d'Allah. L'acceptation et la coopération mutuelles transformeraient une zone de guerre en un véritable phare pour l'humanité, car c'est là que la civilisation et la foi ont pris naissance, et ceci rétablirait la paix mondiale.
Après ces événements tragiques, Mardochée décréta que le peuple juif commémorerait sa survie chaque année les 14 et 15 du mois d'Adar, date à laquelle elle avait lieu dans l'Empire perse : cette fête est devenue Pourim. Curieusement, le Livre d'Esther est le seul livre de la Bible où Dieu n'est pas mentionné, bien que les desseins divins soient perceptibles partout. Ceci rappelle que les Juifs, par leur propre mérite et leurs seules actions, ont obtenu le salut divin de leur ennemi. Dans ce contexte, Pourim est considérée comme la fête la plus importante, car les Juifs ont restauré leur foi par eux-mêmes, sans être guidés ouvertement par un prophète leur transmettant la parole de Dieu.
Mardochée devint un proche conseiller du roi :
Le roi Assuérus imposa un tribut au pays et aux îles de la mer. Tous les actes de sa puissance et de sa force, ainsi que le récit complet de la grandeur de Mardochée et de la façon dont le roi l’éleva, ne sont-ils pas consignés dans le livre des Chroniques des rois de Mède et de Perse ? Car Mardochée, le Juif, était le second après le roi Assuérus, grand parmi les Juifs, et apprécié de la multitude de ses frères, recherchant le bien de son peuple et parlant de paix à toute sa descendance. (Esther 10:1-3)
Année 3295 – 465 av. J.-C. – Artaxerxès, le "roi des rois"
Xerxès fut finalement assassiné par des conspirateurs de son armée qui tuèrent également son héritier désigné. Son échec en Grèce fut la cause profonde de ce coup d'état. Artaxerxès, son fils aîné, qui n'avait pas été choisi comme héritier, s'empara du pouvoir et vengea son père en exécutant les conspirateurs.
Car Artaxerxès était le premier fils de Xerxès, mais de son épouse Amestris/Vashti. Il avait donc été banni de la cour royale avec sa mère. Cette circonstance lui sauva certainement la vie, car les conspirateurs ne s'attendaient pas à son retour au pouvoir. Il avait cultivé un profond respect pour Esther, qui le protégea probablement après la mort de sa mère, car Esther avait elle-même été orpheline. Artaxerxès épousa Damaspia, la fille unique d'Esther et de Xerxès, selon certaines sources : Damaspia était connue pour sa foi juive, comme sa mère.
Après avoir assuré son trône, Artaxerxès adopta le titre de "roi des rois" au lieu d'utiliser un titre comme "roi de Babylone".
Année 3296 – 464 av. J.-C. – Le rêve de Mardochée
Certains chapitres du Livre d'Esther furent inclus dans la future Septante, première traduction de la Bible en grec, mais ne font pas partie de la Torah juive. L'un de ces textes relate un rêve que Mardochée eut à cette époque, quoi qu'il ne soit pas certain que Mardochée ait pu survivre au coup d'état contre Xerxès :
La deuxième année du règne d'Artaxerxès le Grand, le premier jour du mois de Nisan, Mardochée, fils de Yaïr, fils de Séméi, fils de Kish, de la tribu de Benjamin, Juif résidant à Suse, homme important et l'un des premiers de la cour du roi, eut ce rêve. (Apocryphes, Esther, chapitre 11, 2-3)
Ce détail montre que Mardochée devint conseiller d'Artaxerxès, l'un des premiers à la cour du roi, et que, par conséquent, l'Assuérus de la Bible était bien son prédécesseur, Xerxès père d'Artaxerxès. Quant à son rêve, Mardochée n'avait pas pu le comprendre et il reste inexpliqué, car il se rapporte probablement à des temps futurs.
On ignore quand Esther et Mardochée sont morts, mais ils semblent avoir été enterrés à Hamadan, en Iran, où se trouve encore un mausolée. Il existe cependant d'autres lieux pour leur sépulture, comme celui de Baraam, en Galilée du Nord, selon une tradition juive, où Esther et Mardochée auraient demandé à être enterrés en Terre d'Israël. Peut-être ceci a été accompli bien des années après leur mort.

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Albert Benhamou
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